Manuel Roret du Relieur

 
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Préface

Première partie - Brochage

Deuxième partie - Reliure

Considérations générales

Chapitre 1
Matières employées par le relieur

  1ère section - Peaux
  2ème section - Papier parcheminé, ivoire, écaille, nacre
  3ème section - Colles

Chapitre 2
Atelier et outillage du relieur


Chapitre 3
Opérations du relieur


Chapitre 4
Racinage et marbrure de la couverture


Chapitre 5
Marbrure sur tranche


Chapitre 6
Dorure et gaufrure


Chapitre 7
Reliure mécanique


Chapitre 8
Reliures diverses


Chapitre 9
Renseignements divers


 

 
3ème section - Les colles

Nous ne saurions terminer ce chapitre sans parler des COLLES, dont le choix et l'emploi judicieux font la qualité de la reliure, quels qu'en soient le genre et le prix. Le caractère principal d'une bonne reliure consiste dans la plus grande souplesse des articulations ; il faut, pour l'obtenir, que la colle que l'on emploie réunisse ces deux qualités essentielles : s'attacher d'une façon définitive aux parties avec lesquelles on la met en contact, et conserver après l'emploi une élasticité parfaite. Une colle qui durcit ou qui devient cassante ne peut nullement convenir à la reliure. On doit aussi se méfier des colles vendues à bas prix, qui sont ordinairement mélangées et qui peuvent renfermer des matières contraires au service qu'elles sont appelées à rendre (1).

Colle forte

La colle forte est celle dont on se sert habituellement pour la reliure ; nous parlerons donc très succinctement de ses propriétés qu'il est utile à tout relieur de connaître, afin qu'il puisse l'employer avec intelligence et discernement.

On fabrique la colle forte avec des rognures de peaux, les cartilages, les os et les débris d'animaux. On obtient, en les faisant bouillir dans de l'eau, une matière translucide qui, en se refroidissant, se prend en gelée de consistance variable, suivant qu'on a employé plus ou moins d'eau. Cette matière est la gélatine ; en cet état, elle a encore besoin d'être clarifiée. A l'état de pureté, elle est douée d'une force adhésive considérable. L'eau froide la gonfle, l'amollit et la rend opaque, mais sans la dissoudre. Il est donc avantageux de la plonger d'abord en morceaux dans de d'eau froide, pour la débarrasser des sels solubles qu'elle peut renfermer, puis de la faire dissoudre dans une nouvelle eau à une chaleur douce. Les colles de première qualité absorbent jusqu'à six fois leur poids d'eau ; celles du commerce l'absorbent environ trois fois, et les colles de basse qualité en absorbent encore moins.

Aussitôt qu'il commence à s'en servir, c'est-à-dire après avoir encollé le dos d'un volume, le relieur peut se rendre compte de sa qualité, d'après l'encollage de la veille. Si, en arrondissant le dos pour former la gouttière, les cahiers prennent la courbure voulue sans que la colle se fendille, ou si elle ne s'écaille pas sous le marteau, elle est de bonne qualité. Si, au contraire, lorsque le dos est arrondi, des parcelles de colle s'en détachent, que le tas à arrondir se couvre de pellicules, ou qu'en appliquant sur le dos du volume la main humidifiée par l'haleine on l'enlève chargée d'une poussière fine formée par la colle, il n'y a pas à hésiter, il faut la rejeter : un travail fait avec un produit semblable ne peut avoir la moindre solidité. Les colles de Lyon remplissent les conditions voulues pour faire un bon travail.

Pourtant, toute règle n'étant pas sans exception, on doit faire une réserve pour le collage des toiles françaises et anglaises, qui réclament l'emploi de colles dont l'adhérence et la siccativité soient très rapides ; ces conditions sont absolument indispensables pour leur conserver leur fraîcheur et pour ne pas détruire les dessins gaufrés dont elles sont couvertes. Les colles de Givet remplissent bien ce but.

Les sortes de colle que nous préconisons peuvent paraître chères au premier abord ; mais elles absorbent tant d'eau et elles couvrent avec une couche si mince qu'il y a encore économie à les employer.

Quand on veut se servir de colle forte, on commence par casser en menus morceaux une ou plusieurs tablettes, puis on les jette dans un chaudron en fer, de préférence à tout autre vase. On verse dessus assez d'eau fraîche pour qu'ils soient entièrement recouverts, et on laisse macérer pendant quelques heures jusqu'à complet ramollissement. Alors on fait bouillir sur un feu doux, en ayant soin de remuer continuellement, surtout au fond du chaudron, afin que la colle ne brûle pas ; la colle brûlée répand une odeur très désagréable et perd ses qualités essentielles. Cela fait, on verse la préparation dans un récipient chauffé au bain-marie et on l'emploie tiède à une température telle qu'on puisse y tenir le doigt. Ce degré de chaleur est suffisant pour conserver à la colle toutes ses qualités, sans donner de déchet.

Colle de gélatine

On emploie cette colle sur la soie ou sur le vélin ; elle sert à encoller les volumes qui ont été nettoyés, ceux qui sont imprimés sur du papier sans colle, ainsi que les tranches de ces volumes en vue de les préparer à la dorure ; on l'emploie encore pour préparer les toiles destinées à être dorées à l'or faux, au moyen du balancier. On la prépare comme la colle forte. Après l'avoir fait bouillir légèrement, on la passe dans un linge un peu fin. Quand on veut s'en servir, on la chauffe modérément au bain-marie et l'on y ajoute l'eau nécéssaire, selon le genre de travail à exécuter.

Colle de pâte ou de farine

Cette sorte de colle est fabriquée avec de la farine de froment de bonne qualité. Ses différents usages, notamment son emploi au collage des papiers de tenture et des affiches, font qu'on la trouve toute faite et partout chez les épiciers, les marchands de couleurs et les peintres. Cependant, au cas ou l'on n'en aurait pas à sa disposition, voici la manière de la préparer :

On prend de la farine de froment pur, dont on verse une certaine quantité dans un chaudron en cuivre et à laquelle on ajoute une petite quantité d'eau fraîche. On continue à ajouter petit à petit l'eau nécessaire, en triturant la pâte avec les mains ou en la remuant avec une cuillère en bois ; ensuite on place le chaudron sur un feu vif, et l'on continue de remuer en tournant toujours dans le même sens et de plus en plus rapidement dès que la pâte s'épaissit. On fait ainsi jeter deux ou trois bouillons, puis on retire le chaudron du feu et l'on continue de remuer encore pendant quelque temps jusqu'à ce que la pâte se refroidisse.

Quand on veut employer cette colle, au cas ou la pâte vient à se coaguler, on en place une partie dans une toile à grosses mailles et, en ramassant deux coins dans une main et deux coins dans l'autre, on la tord fortement pour forcer la pâte à traverser les mailles. On obtient ainsi une colle parfaite.

Colle d'amidon

Beaucoup de relieurs se servent de cette colle pour intercaler entre les cahiers les gravures montées sur onglet, pour la couvrure des peaux en général et pour préparer la peau de veau destinée à être dorée. On la fabrique ainsi :

On prend de l'amidon de froment pur ou de riz, dont la qualité essentielle est de produire une pâte bien grasse. On en met une certaine quantité dans un vase de faïence, puis on y ajoute petit à petit un peu d'eau fraîche, en triturant la pâte dans les mains. On verse alors de l'eau bouillante dans le vase, mais lentement et en remuant continuellement avec une cuillère en bois, puis on laisse refroidir la pâte. On la passe ensuite dans une toile à grosses mailles que l'on tord entre les mains, comme pour la colle de farine ordinaire. Si l'on a opéré avec de l'amidon de bonne qualité, on obtient une excellente colle, que l'on réserve pour les travaux soignés.

Colle de gomme

Cette colle s'emploie à froid, principalement pour le montage des planches et pour les travaux qui doivent sécher rapidement. Nous l'avons employée avec succès pour des montages sur onglets et pour des agencements d'albums, qui ont pu être cousus immédiatement.

Pour la préparer, on prend une certaine quantité de gomme arabique parfaitement blanche, que l'on place dans un vase en grès ; on y verse de l'eau fraîche, dans la proportion du double en volume de la gomme à traiter, et on laisse macérer pendant un jour ou deux, en remuant de temps en temps, jusqu'à ce que la gomme soit complètement dissoute. On la passe ensuite à travers un linge à larges mailles ou un tamis, et on la conserve jusqu'à, ce qu'on s'en serve.

Cette colle se conserve fort longtemps lorsqu'on la tient au frais; elle s'épaissit à la chaleur par l'évaporation de l'eau qu'elle contient. Au moment de l'employer, ou y ajoute l'eau nécessaire, suivant le genre de travail que l'on veut exécuter.

(1) Voir pour plus de détails le Manuel du Fabricant de Colles, 1 vol. in-12, 3fr., publié dans la Collection des Manuels-Roret






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