Manuel Roret du Relieur

 
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Préface

Première partie - Brochage

Deuxième partie - Reliure

Considérations générales
   § 1. - Utilité et importance de la reliure
   § 2. - Différentes sortes de reliures

Chapitre 1
Matières employées par le relieur


Chapitre 2
Atelier et outillage du relieur


Chapitre 3
Opérations du relieur


Chapitre 4
Racinage et marbrure de la couverture


Chapitre 5
Marbrure sur tranche


Chapitre 6
Dorure et gaufrure


Chapitre 7
Reliure mécanique


Chapitre 8
Reliures diverses


Chapitre 9
Renseignements divers


 

 
§ 1. - Utilité et importance de la reliure

Aux yeux de certaines gens, la reliure est un métier de mince importance, qui mérite à peine de fixer l'attention des esprits sérieux.

« Cependant, a dit avec raison un savant économiste, elle est digne à tous les égards d'échapper à cet injuste dédain, puisque, s'appliquant à conserver les manifestations les plus brillantes et les plus fécondes de la pensée, elle est le complément naturel de ces merveilleuses inventions qui réunissent dans un magnifique ensemble les efforts des générations, et qui nous rendent, pour ainsi dire, habitants de tous les pays, et contemporains de tous les âges. En effet, il ne suffit pas que l'écriture fixe les résultats des méditations ou des caprices de l'esprit, que le papier les recueille, que l'imprimerie les multiplie, il faut encore que les manuscrits et que les livres échappent à la destructive atteinte du temps, pour que, suivant la sublime expression de Pascal, l'humanité soit comme un seul homme qui vit et qui apprend toujours. Grâce aux feuilles dans lesquelles se reflète et se conserve le travail intellectuel, la meilleure partie de notre être ne meurt pas, alors que disparaît l'enveloppe matérielle destinée à une existence éphémère.

« Est-ce donc une faiblesse de s'appliquer à conserver avec un soin délicat, non-seulement le souvenir, mais la réalité même des plus nobles et des plus agréables sentiments ? Rien de plus simple que de se plaire à garder et à parer les objets de notre affection. En est-il une plus pure et plus légitime que celle qui nous met en communication constante avec le rayonnement de la pensée humaine ? »

L'art du relieur répond donc à l'un de nos besoins les plus vrais ; il est aussi un de ceux qui exigent le plus d'habileté et d'intelligence. Pour se rendre compte de tout ce qu'il a fallu de labeur et d'adresse, de patience et de goût, pour produire une bonne et belle reliure, qui, très simple en apparence, est le résultat de manipulations nombreuses et compliquées, il est nécessaire de la décomposer par la pensée, quand on ne veut pas la détruire en la disséquant. Alors on est surpris d'y rencontrer une création véritable, et l'art du relieur est d'autant plus parfait qu'il parvient mieux à déguiser les opérations successives qu'il exige. En outre, au lieu d'être uniforme dans les procédés et les résultats, il faut qu'il se plie aux exigences des temps et des productions. Rien de plus commun dans cette branche de travail que les dissonnances et les anachronismes; aucune n'exige autant de sens et de jugement, et c'est pour avoir manqué de l'un et de l'autre que l'on a vu trop souvent des artistes fort habiles, pratiquement parlant, appliquer d'anciennes formes de reliure peu en harmonie ou même sans aucune harmonie avec la nature actuelle des livres et la forme que ceux-ci sont destinés à occuper dans nos demeures. C'est ainsi qu'ils ont reproduit, sans toutefois les calquer servilement, des dispositions empruntées au moyen âge, qui répondaient fort bien aux exigences de manuscrits précieux ou de feuilles de vélin exposées à être gonflées par l'humidité de l'atmosphère, et la pensée ne leur est pas venue de se demander si les livres de notre époque, imprimés à prix réduit sur du papier plus ou moins solide, mais toujours identique, et appelés non à figurer sur des pupitres ou de riches étagères, mais à rencontrer, sur les rayons d'une bibliothèque, le contact immédiat d'autres livres rangés et pressés les uns contre les autres, se prêtaient à de semblables fantaisies d'ornementation et demandaient le même appareil de ferrures en saillie.

On l'a dit bien souvent, et on ne saurait trop le répéter, chaque forme de reliure a eu sa raison d'être : il n'y a qu'à la découvrir. Celui qui est véritablement artiste la trouve sans trop de peine, et il se met ainsi à l'abri de ces erreurs, presque toujours irréparables, qui ne servent qu'à, mettre en évidence l'ignorance et le défaut de sens et de jugement de celui qui n'a pas su les éviter.

Avant l'invention de l'imprimerie, quand les livres étaient rares et fort chers, on les traitait comme des espèces de reliques. Aussi rien ne paraissait trop dispendieux pour les conserver. Aujourd'hui, les choses ont changé complètement. La multiplication des livres, leur bon marché relatif, enfin la tendance générale vers l'utile, imposent d'autres conditions. Il faut que le relieur arrive à une production courante qui soit au niveau des fortunes les plus divisées ; il faut qu'il sache donner aux exemplaires qu'on lui confie une forme à la fois simple, élégante et durable; enfin, il faut que, sans cesser d'être un art, la reliure prenne des allures et crée les procédés d'une grande industrie. C'est pour cela qu'aujourd'hui, dans tous les pays, à côté des modestes ateliers dont le personnel se compose du patron et de quelques aides, souvent même du patron seul et d'un ou deux apprentis, se sont fondés de vastes établissements, véritables manufactures où, sous la direction d'un maître habile, de nombreux ouvriers, toujours chargés de la même opération et secondés, quand la chose est possible, par d'ingénieuses machines, font en fort peu de temps et très économiquement ce que le travail manuel, tel qu'il a lieu dans les petites maisons, ne saurait produire qu'avec une extrême lenteur et une grande dépense.






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