Art de faire le papier |
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Manière dont se forment les feuilles
245. L'ouvrier, que l'on appelle aussi Ouvreur ou plongeur, et que l'on voit représenté en A (Planche VII) monté dans sa nageoire, et dans l'échancrure de cette espèce de table qui borde le contour de la cuve, tient une forme à deux mains par les deux extrémités, avec le cadre ou la couverture appliquée exactement dessus la forme, comme si c'était une seule pièce ; alors l’inclinant un peu vers lui, il la plonge dans la cuve. Quand l'ouvreur commence sa porse, il doit faire sa feuille en deux tems, c'est-à-dire, plonger d'abord la mauvaise rive, retirer la forme, et plonger ensuite la bonne rive ; mais après les vingt-cinq premières feuilles, il les fait en un seul tems, et ne plonge plus que la mauvaise rive de sa forme, environ de moitié. Aussitôt il relève horisontalement la forme chargée de cette pâte liquide, dont le superflu s'écoule à l'instant de tous côtés, et dont la quantité suffisante est retenue par le contour de la couverture et par son épaisseur. L'ouvrier étend cette pâte sur la forme, en secouant doucement de droite à gauche et de gauche à droite, comme s'il voulait la tamiser, jusqu'à ce qu'elle se soit étendue également sur toute la surface de la forme : c'est ce qui se nomme promener. De même par un autre mouvement qui se fait en avançant et reculant horisontalement la forme d'avant en arrière et d'arrière en avant, comme pour tamiser, cette matière se serre, s'unit, se perfectionne ; c'est ce qu'ils appellent serrer. Ces deux mouvemens sont accompagnés d'une légère secousse qui sert à enverger la feuille, c'est à-dire, à la fixer et à l'arrêter ; mais ils se font très-vîte en sept à huit coups de mains, et dans l'espace de quatre à cinq secondes. Aussitôt cette matière si fluide, qui ne paraissait que comme, une eau trouble, se lie, ses petites parties s'accrochent, s’unissent mutuellement, et sans ces deux mouvemens elles retomberaient en partie dans la cuve, au travers de la verjure. Ainsi la feuille se précipite sur le grillage de laiton, tandis que l'eau passe au travers des intervalles ; et il reste sur la forme une vraie feuille de papier. 246. Le plongeur pose aussitôt sa forme sur le bord de cuve, et il en ôte la couverture, en même tems qu'il fait glisser la forme le long de la planchette jusqu'au trapan de cuve. Cette planchette, marquée 5, n'a que deux doigts de large ; et le trapan de cuve (68) n'est autre chose qu'une planche de sapin marquée 6, qui traverse la longueur de la cuve, et qui est percée de plusieurs trous pour laisser égoutter la forme dans la cuve. 247. Le plongeur, en ôtant la couverture de dessus cette première forme, la place tout de suite sur la seconde forme, qu'on lui donne pour la plonger à son tour. 248. Le coucheur (69) prend la forme sur le trapan de cuve avec la main gauche ; il la soulève doucement, en l'inclinant sur le coin du bon carron, afin de le renforcer (§. 251) ; ensuite il la redresse, la forme, et l'appuie contre un ou deux petits bâtons marqués 7 et 8, qui sont implantés sur le trapan dans la bordure de la cuve. La mauvaise rive porte sur le trapan, et la bonne rive appuie contre les chevilles de l'égouttoir ; la forme reste dans cet état l'espace de deux ou trois secondes de tems pour s'égoutter dans la cuve, pendant que le coucheur étend un feutre. Aussitôt le coucheur prend sa forme, et la couche ou renverse sur le feutre. On distingue deux manières de coucher. Coucher à la suisse, c'est renverser la forme et la poser à la fois toute entière en sorte qu'au même moment elle porte et appuie par-tout : cette méthode expose le coucheur à faire beaucoup de papier cassé. Coucher à la française, c'est appuyer la forme sur le feutre d'abord sur la bonne rive, ensuite par gradation et lentement sur les autres parties, pour détacher successivement toutes les portions de la feuille et les appliquer sur le feutre ; la feuille s'y attache en effet, à cause de son velu, et abandonne la forme qui est un corps plus lisse. Le coucheur relève sa forme, en commençant par la bonne rive ; il la rend au plongeur aussi nette qu'avant qu'elle eût été plongée, et il trouve sur le trapan de cuve une seconde feuille à coucher qui a été formée pendant qu'il couchait la première, et qu'il relève en passant, avant que d'étendre le feutre. Ainsi l'on voit, qu'au moyen de deux formes qui sont toujours en mouvement, il n'y a point de tems perdu : pendant qu'une forme se plonge, l'autre se couche. Quand le plongeur passe une forme au coucheur ; il en reçoit une autre qui est vide, sur laquelle il pose la couverture qu'il retire de dessus la première, et il plonge de nouveau. 249. Les opérations que nous venons de décrire sont si promptes, qu'il se forme sept à huit feuilles par minute dans les grandeurs moyennes de papier, telles que la couronne ; en sorte qu'un ouvrier peut faire huit rames dans sa journée. Il serait sûrement utile d'aller plus lentement : le papier en serait mieux fait. On verra dans les réglemens, qu'on à été obligé de défendre aux ouvriers d'excéder la quantité d'ouvrage qui es usitée ; ou de la faire toute pendant la seule matinée, de peur que l'abus ne devînt encore plus grand. On verra aussi, à la suite du tarif, la quantité qu'un ouvrier doit faire dans un jour des différentes sortes de papier. 250. Le feutres ou langes dont nous avons parlé §. 230, et qui doivent séparer chaque feuille de papier, sont placés sur la mule à côté du coucheur. Il étend d'abord un feutre sur le trapan pour coucher la première feuille, sur cette feuille un feutre, et ainsi alternativement. Comme il faut plus de tems à l'ouvrier pour faire une feuille, qu'il n'en faut au coucheur pour l'appliquer sur le feutre, celui-ci a le tems, dès qu'il a remis sa forme sur le trapan de cuve, et qu'il a redressé la forme suivante, de prendre un des feutres que le leveur ou son apprenti lui fournit en les plaçant sur la mule, et de l'étendre promptement sur la feuille qu'il vient de coucher : aprés quoi il se retourne, prend la seconde forme qu'il avait redressée et appuyée contre les bâtons de l'égouttoir, et il la couche à son tour.
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