Art de faire le papier

 
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1ère partie - Art de faire le papier

2ème partie - Planches & Explications des planches

 

 
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1. Sur la fin du dernier siècle, l'Académie ayant formé le projet de l’Histoire générale des Arts, M. des Billettes donna la description de l'Art du Papier : on fit graver huit planches en 1698, et la description fut lue à l'Académie en 1706 (2).

2. Nous avons conservé les planches de ce premier travail, en y faisant les changemens qui ont paru indispensables : ce sont les planches 1, 2, 4, 10, 11, 12, 13, 14 (3); mais nous avons abandonné la description qui en avait été faite, parce que, sur toutes les parties de cette fabrication, nous avons voulu entrer dans les plus grands détails.

3. On trouvera dans notre description les pratiques différentes, avec les termes qu'on emploie en différentes provinces ; les vues nouvelles qu'a occasionné à des personnes éclairées et à nous-mêmes l'état actuel des papeteries, les réglemens qu'ont dicté l'expérience des fabricans, et la sagesse du ministère : enfin, l'on y trouvera la nouvelle forme des moulins à cylindre, la plus usitée en Hollande, qui nous a fourni encore, pour ainsi dire, la description d'un nouvel Art.

4. M. DUHAMEL, de l'Académie royale des Sciences, ayant, voyagé en Angoumois par ordre du ministère, pour travailler à l'extirpation des papillons de bled qui désolaient cette province, a parcouru en connaisseur les fabriques de papier, qui y sont en grand nombre : il nous a communiqué ses observations et nous en avons fait un usage fréquent, sur-tout lorsqu'il a été question des pratiques de l'Angoumois.

5. M. LE CAT, secrétaire de l'Académie des Sciences de Rouen, nous a donné sur la Normandie, les éclaircissemens qui ont été nécessaires ; et M. de Clévant, secrétaire de l'Académie de Besançon, sur les moulins de la Franche-Comté. M. de Mélié, qui avait été longtems l'un des propriétaires de la manufacture de Montargis, et qui en avait fait la description, a bien voulu nous communiquer ses recherches. Enfin nous avons suivi et examiné nous-mêmes cette manufacture, et plusieurs autres, assez longtems et avec assez de soin pour pouvoir décrire exactement et avec toutes ses circonstances l'Art de faire le Papier.

6. Les cylindres hollandais, que nous avons décrits, se trouvaient déjà dans des figures gravées à Amsterdam en 1734, mais avec de simples notes écrites en hollandais, qui ne renferment aucune explication, et il a fallu y deviner la plupart des effets. D'ailleurs, nous ne devons pas dissimuler qu'on a accusé, même en Hollande, les auteurs de ces recueils, d'avoir caché avec dessein des choses importantes dans les Arts qu'ils semblaient vouloir rendre publics ; d'avoir même altéré les proportions essentielles de leurs machines, pour en rendre l'imitation infructueuse. Nous avons donc insisté davantage sur les machines exécutées à Montargis, et Sur les procédés qu'on y emploie : ils ont été perfectionnés déjà par une expérience de vingt ans, et nous n'y avons point éprouvé cette basse dissimulation, cette jalouse crainte, ce zèle intéressé, qui refusent de faire connaître les Arts, de contribuer à leur perfection, d'y porter le flambeau de la physique et l'esprit de recherche : faiblesses qui ont été la seule cause de la lenteur avec laquelle jusqu'ici les Arts se sont perfectionnés.

7. En effet, presque tous les artistes ont pour maxime de cacher leurs procédés, et de se réserver, tant qu'ils peuvent, le secret de leur Art. Si leur intérêt personnel l'exige, je n'espère rien d'eux ; laissons-les immoler à ce motif invincible pour les âmes communes, la gloire du citoyen, la perfection des Arts et le plaisir d'être utiles. Mais plusieurs croient de bonne foi qu'il est de l'intérêt de l'état de ne point répandre dans le public la connaissance des Arts, pour ne point la partager avec l'étranger. Qu'il nous soit permis de répondre à ceux-ci, en justifiant, pour ainsi dire, l'Académie. Je demande donc lequel est préférable pour un état, ou de partager avec tous les savans les faibles lumières que l'habitude de nos ouvriers nous ont acquises pour les perfectionner ensuite, ou de rester éternellement dans l'état de médiocrité et de routine dont ils ne peuvent nous tirer. Les Arts tiennent tous aux Sciences, attendent tout de celles-ci, et ne peuvent faire sans elles que des pas lents et chancelans. Cependant ceux qui cultivent les Sciences, ne peuvent presque jamais connaître les Arts par eux-mêmes. S'ils l'entreprennent, mille obstacles les en détournent ; ils trouvent dans les ateliers un détail rebutant, un langage bizarre, une défiance choquante, une routine aveugle, des vues bornées, des pratiques superstitieuses, une ignorance profonde sur les forces de la nature et sur les principes de l'Art. Celui qu'un goût plus décidé, des circonstances plus favorables, des artistes plus intelligens auront mis à portée d'y pénétrer plus avant que les autres, aura rendu aux Savans, aux Artistes et aux Arts, le service le plus important, s'il parvient à leur faire connaître ce qu'il n'a appris qu'avec peine. Les autres pourront partir de là, abréger le travail, s'épargner des recherches inutiles ou des expériences déjà faites, faire servir un Art au progrès des Arts qui souvent en diffèrent le plus, enrichir la patrie, et servir l'humanité.

7 bis. Ce concours de travaux et de succès exige la publicité, la réciprocité, la confiance, l'ouverture avec laquelle on travaille dans les Académies. Si vous teniez de frustrer l'étranger de vos travaux, vous en frustrerez nécessairement aussi vos meilleurs citoyens ; et la cupidité nationale, qui vous, aura fait envier à vos voisins le secours de vos Arts, vous en dérobera à vous même la perfection et le progrès ; enfin vous vous priverez de bien plus de connaissances que vous n'en aurez dérobé aux étrangers. Laissons donc profiter nos ennemis même des soins que nous aurons pris pour enrichir notre nation, plutôt que d'en perdre les avantages par une mauvaise réticence.

7 ter. Dans les tems de barbarie et de ténèbres, où, enveloppés de mystères, les Arts les plus utiles étaient à peine dans leur enfance, il fallait plusieurs siècles pour parvenir à un procédé, à une découverte, qui, plus d'une fois, se perdit en naissant, et ne profita qu'à un seul homme, ou à un trés-petit nombre. Le papier, dont l'usage est aujourd'hui si général et si commode, était connu depuis mille ans dans l'Asie, et depuis deux siècles en Europe, lorsque l'usage s'en répandit. Il n'y a que trop d'obstacles au progrès des Arts de la part de ceux qui les excercent ; les savans ne sauraient assez en aplanir le chemin. Tel fut l'objet que l'Académie des Sciences se proposa dès sa première institution : elle sentit que tous les pas qu'elle ferait dans cette carrière, serviraient sur-tout à la France ; que les lumières, l'émulation, les secours qu'on en retirerait parmi nous, seraient plus que suffisans pour nous conserver à cet égard un avantage considérable sur nos voisins ; et qu'enfin il y avait tout à gagner dans ce travail, non seulement pour les hommes en général, à qui nous nous devons sans doute, mais même pour la patrie, à qui nous sommes voués par préférence. L'obscurité des Arts est telle encore dans ce siècle de lumière, que non-seulement le public, mais les savans eux-mêmes ignorent souvent en quoi consiste la difficulté de certains procédés, si c'est dans la matière ou dans la forme que réside le secret de l'Art, si le succès tient à la nature, ou si l'Art peut seul y suppléer. Trois personnes dans le royaume connaissent le beau rouge du coton, découvert par un célèbre chimiste de l'Académie des Sciences ; les autres ne se doutent pas même de la difficulté qu'il y a dans cette partie. On sait que les couleurs de la soie sont toutes ou ternes ou passagères ; mais ceux qui ont remarqué cet inconvénient, n'en sachant pas la cause physique, n'ont pas été à portée d'en étudier le remède. Le fer-blanc, la dorure, l'émail, le minium, le borax, le camphre, etc., offrent une multitude de choses utiles qui sont encore entre les mains d'un petit nombre de personnes, la plupart chez l'étranger, et que nous ne pouvons espérer de partager avec eux, à moins de ranimer le goût des Arts en France, et de fixer sur eux les yeux des savans avec ceux des artistes. Aussi le ministère de France, éclaire sur nos véritables intérêts, a de tout tems formé, soutenu et ranimé cette entreprise : on commence à voir le résultat des efforts qu'a faits l'Académie pour arracher le voile qui nous dérobait tant de choses curieuses ; et peut-être touchons-nous par son moyen à une révolution dans les Arts, semblable à celle que le dernier siècle vit s'opérer dans les Sciences.



(1) Cet Art est l'un des premiers qui ait été publié par l'Académie. M. de Justi l'a inséré dans le premier volume de la traduction allemande, avec des notes dont j'ai profité, et dont je lui rends ici publiquement hommage.
(2) Voyez Hist. de l’Acqd. ann. 1706.
(3) De l'édition de Paris. On se rappellera que j'ai fait à cet égard, dans mon édition, des changemens nécessaires.





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