Manuel Roret du Relieur |
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§ 9. - Tranchefile
On appelle TRANCHEFILE, une sorte d'ornement en fil, en coton ou en soie de diverses couleurs, quelquefois même en fil d'or et d'argent, qu'on place en tête et en queue d'un livre, du côté du dos. Elle sert, d'une part, à assujétir les cahiers et à consolider la partie de la couverture qui les déborde ; d'autre part, et surtout, à mettre le dos du livre à la hauteur des cartons. La tranchefile n’est pas absolument indispensable ; néanmoins, on y a recours pour toute reliure tant soit peu soignée. Des femmes sont habituellement chargées de l’exécuter. Pour les reliures communes, on la supprime ou bien on la remplace par une fausse tranchefile, c’est-à-dire par un bout de ficelle sur lequel on rabat et colle l’extrémité de la peau. Quand on ne veut pas faire soi-même la tranchefile, on y substitue un morceau de comète : on nomme ainsi une tranchefile toute prête à être mise en place, qu’on trouve dans le commerce où elle se vend au mètre. La tranchefile se fait ordinairement sur des noyaux de papier roulé, et dont l’extrémité est collée pour que le noyau ne se déroule pas. Lorsqu’elle est faite sur des noyaux plats, la tranchefile produit un bien meilleur effet. Pour cela on prend une feuille de carton plus ou moins épaisse, selon la grandeur des livres qu’on veut tranchefiler ; on colle sur les deux faces de ce carton, avec de la colle de farine, du parchemin mince ; et après l’avoir laissé bien sécher, on coupe, à la presse à rogner, des bandes assez étroites pour faire la hauteur de la châsse des cartons. On distingue deux sortes de tranchefiles : la tranchefile simple et la tranchefile à chapiteau. Dans l’une et dans l’autre, pour les ouvrages ordinaires, ou emploie le fil, pour les ouvrages recherchés, on se sert de soie, et quelquefois de fils d’or ou d’argent, comme nous l’avons dit plus haut. Quelle que soit la sorte de tranchefile qu’on veut former, on prend autant d’aiguillées de fil ou de soie qu’on veut employer de couleurs différentes, et on les noue ensemble par un bout, au moyen d’un noeud de tisserand, après quoi on enfile un bout de l’une d’elles dans une longue aiguille, et, afin qu’elle ne se désenfile pas, on fait près de la tête un petit noeud à boucle. On place le volume entre les genoux, ou dans une petite presse, la gouttière devant soi, après avoir baissé les cartons. 1. Tranchefile simple Tout étant ainsi disposé, supposons qu’on ait pris une aiguillée de fil blanc et une de fil rouge, et que celle de fil blanc soit enfilée dans l’aiguille. On pique l’aiguille dans le volume à cinq ou six feuillets, en commençant par la gauche, de manière qu’elle sorte sur le dos de 20 à 22 millimètres de la tête, et l’on tire le fil jusqu’à ce qu’on soit arrêté par le noeud, qui se cache dans le cahier; on pique une seconde fois à peu près au même endroit, et l’on ne serre le point qu’après avoir passé le rouleau de papier ou la petite bande de carton sous l’espèce de boucle que forme le fil blanc, qui n’est pas tendu : on serre alors ce point, et la tranchefile est assujettie. Avant de la mettre en place, on a eu soin de la courber entre les doigts pour lui faire prendre la rondeur du dos du livre. On prend de la main droite le fil rouge qui pend à la gauche du livre sur le carton ; on le fait passer de la gauche vers la droite, en croisant par-dessus le fil blanc ; on le passe sous la tranchefile, on en entoure cette dernière, on l’amène vers le côté droit du carton, et l’on serre de manière que le croisement des deux fils touche la tranche du volume. La même opération que nous venons de décrire se répète avec le fil blanc. Ainsi, de la main droite on prend le fil blanc qui pend alors sur le carton à gauche, on le fait passer, en croisant, par-dessus le fil rouge, on en enveloppe la tranchefile en le passant par-dessous de dedans en dehors, et on l’amène vers le côté droit du carton. En répétant ainsi alternativement cette opération, en croisant les deux fils, et passant chaque fois pardessous la tranchefile qu’on enveloppe, on arrive au côté droit du livre ; mais avant d’y arriver, on a soin, quand on a fait un certain nombre de points croisés, qui forment ce qu’on nomme une chaînette, laquelle touche la tranche, de faire une passe, c’est-à-dire de piquer l’aiguille entre les feuillets, comme on l’a fait la première fois, mais en ne formant qu’un seul point : cette passe donne du soutien à la tranchefile, et lui fait prendre plus exactement la courbure du dos du livre. On fait plus ou moins de ces passes, selon la grosseur du livre ; mais ordinairement, pour un in-12 ou un in-8°, on n’en fait pas moins de trois ni plus de quatre. Quand on est arrivé au côté droit du livre, on fait une dernière passe en piquant deux fois l’aiguille comme on l’a fait en commençant. On arrête le fil par un noeud, et la tranchefile est terminée. On coupe des deux côtés, avec un couteau bien tranchant, les deux bouts de la tranchefile, au niveau de l’épaisseur du volume, afin que ces bouts ne gênent pas les cartons lorsqu’on veut les fermer. 2. Tranchefile à chapiteau Cette tranchefile se fait avec de la soie de deux couleurs bien tranchantes. Elle diffère de la tranchefile simple : 1° En ce qu’elle est composée de deux noyaux, un gros a a, et un petit b b, qu’on place l’un au-dessus de l’autre, comme on les voit fig. 63 ; 2° En ce que la manière de faire la passe est tout à fait différente. Cette même figure 63 représente ce noeud en grand et en donne une idée. On n’a point serré les noeuds dans le dessin, afin de laisser apercevoir les différents tours que doit faire le fil ou la soie. On commence comme pour la tranchefile simple. Quand on a assujetti la tranchefile, on prend de la main droite la soie rouge e qui pend vers le côté gauche du livre ; on la croise par-dessus la soie blanche d, on la fait passer vers la droite par-dessus la tranche-file a a, entre les feuillets du livre en r, on la rejette par-dessus le chapiteau b b en s ; puis on la ramène par derrière le chapiteau en t, et on la fait passer par-dessus la tranchefile a a. En serrant ce noeud, on fait une petite chaînette entre la tranchefile et les feuilles du livre, telle qu’on le voit au point q. On répète la même chose avec la soie blanche. Le reste se pratique comme à la tranchefile simple. 3. Tranchefile or et argent Cette sorte de tranchefile se fait comme celle à chapiteau ; la seule différence, c’est qu’on emploie un fil d’or et un fil d’argent. Il faut bien serrer les chaînettes. 4. Tranchefile en lettres ou en devises Cette tranchefile se fait de la même manière qu’on fait les bagues en crin ou en cheveux. On forme toujours au-dessous une chaînette. 5. Tranchefile à rubans La seule différence entre cette tranchefile (fig. 64) et les autres, consiste en ce qu’on passe plusieurs tours de suite la soie rouge sur la tranchefile, en faisant la chaînette à chaque tour, et qu’on passe le même nombre de tours la soie blanche autour de la tranchefile, en n’oubliant jamais de faire la chaînette à chaque tour. De cette manière on aperçoit un petit ruban rouge, ensuite un ruban blanc, ce qui produit un effet assez agréable. |
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