Manuel Roret du Relieur |
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§ 2. - Travail du brocheur
Ce sont des femmes, appelées brocheuses, qui sont chargées ordinairement de la vérification et de la couture. Les feuilles du volume étant vérifiées, l'ouvrière les pose en tas, la première en dessus, sur la table devant laquelle elle est assise, mais à sa gauche. Aussitôt après, elle prend, de la main gauche, cette première feuille, la couvre d'une garde, et la renverse sur la table, c'est-à-dire de manière que la garde touche la table et que la première page de la feuille se trouve immédiatement au-dessus d'elle. On appelle garde un feuillet de papier un peu plus large que le format d'un livre, et que l'on replie dans toute sa longueur d'une quantité moindre que la largeur de la marge intérieure, afin qu'elle ne couvre pas l'impression. Ce feuillet est indispensable pour faire adhérer solidement au volume la feuille de papier de couleur qui doit servir de couverture, comme on le verra plus loin. On place un feuillet semblable sur la dernière feuille, pour la même raison. Pour faire la couture, la brocheuse se sert d'une grande aiguille courbe, qu'elle charge d'une longue aiguillée de fil. Après avoir percé la feuille de dehors en dedans, au tiers environ de sa longueur, elle tire le fil en en laissant déborder environ 5 centimètres. Aussitôt après, elle fait un second point au-dessous, à une distance de 3 à 5 centimètres du premier, selon la grandeur du format, mais de dedans en dehors, et tire le fil en dehors, sans déranger le bout qui passe. Alors elle pose la seconde feuille sur la première, en la retournant sens dessus dessous comme elle a fait pour celle-ci, en ayant soin qu'elles concordent bien toutes les deux par la tête. Les deux feuilles étant ainsi disposées, l'ouvrière pique son aiguille, d'abord de dehors en dedans, dans la seconde, vis-à-vis du trou inférieur de la première, puis, de dedans en dehors, vis-à-vis du trou qu'elle vient de faire. Enfin, elle tend le fil et le noue solidement avec le bout qu'elle a laissé déborder en commençant. Les deux premières feuilles étant ainsi bien liées, la brocheuse pose la troisième sur la seconde, de la même manière que ci-dessus, et les faisant toujours bien concorder par la tête. Elle fait ses deux points comme pour la première feuille, et vis-à-vis des trous percés dans les deux premières, afin que la couture soit bien perpendiculaire sur la table, et non en zigzag. Après avoir tendu son fil, l'ouvrière ne coud la quatrième feuille qu'après avoir passé son aiguille entre le point qui lie la première avec la seconde, afin de lier celle-ci avec les feuilles précédentes. Par ce moyen, il se forme un entrelacement que les brocheuses appellent chaînette, et qui donne de la solidité à l'ouvrage. Le travail se continue ainsi jusqu'à ce qu'on soit arrivé à la dernière feuille. On ajoute à cette feuille une garde semblable à celle qu'on a mise sur la première, mais on la place en sens inverse. Quand la couture est terminée, on passe avec un pinceau une première couche de colle de pâte sur le dos du volume. On en fait autant sur le papier de couleur destiné à former la couverture. Enfin, on donne une seconde couche sur le dos du volume. Posant alors à plat le dos de ce dernier sur le milieu de la couverture, encollée comme il vient d'être dit, on relève les deux côtés de cette couverture sur les gardes sans l'y appliquer bien fortement mais on appuie avec force sur le dos pour faire coller le papier autant que possible. Le collage de la couverture est presque toujours exécuté par des hommes. Quand elle est mise en place ainsi qu'il vient d'être dit, l'ouvrier pose le livre à plat sur la table, la tranche de son côté, et il tire vers lui la couverture avec les doigts, afin de la bien tendre sur le dos et sur les gardes, sans qu'elle fasse des plis. Il retourne ensuite le livre pour opérer de même sur l'autre côté. Enfin, il le fait sécher à l'air libre et sans le mettre à la presse ; car il importe pour la venue de laisser au volume le plus d'épaisseur qu'il peut avoir, surtout lorsqu'il est mince. Aussitôt qu'un volume est achevé, on passe à un second volume, qu'on place sur le premier, et ainsi de suite. Cette pression suffit pour empêcher les couvertures de se déformer pendant la dessiccation ; on met un poids sur le tas, afin que les livres prennent une belle forme. Quand le volume est sec, la brocheuse ébarbe, avec de gros ciseaux à longues lames, ou avec des cisailles, les bords des feuilles qui dépassent les plis des feuilles intérieures, pour donner plus de grâce à son ouvrage ; et le brochage est terminé. Nous avons dit que la brocheuse mettait d'abord dans son aiguille une longue aiguillée de fil ; ceci exige une explication : la longueur est d'environ 1m.20 ; elle serait embarrassante si on la faisait plus longue, et ne serait pas suffisante, même pour un volume d'une médiocre étendue. Lorsque son aiguillée est au moment de finir, la brocheuse en reprend une seconde, qu'elle noue à l'extrémité de la première, en faisant attention que le noeud se trouve dans l'intérieur du volume. On emploie le noeud de tisserand. Quand le brochage a été fait avec soin, qu'on a employé de la colle de bonne qualité, et que le papier de la couverture a été choisi très solide, le livre peut être impunément feuilleté pendant fort longtemps, sans qu'il ait besoin d'être relié. On obtient beaucoup mieux ce résultat en cousant les feuilles sur plusieurs ficelles, noyées dans des grecques; c'est-à-dire de la même manière que dans la reliure, puis remplaçant la colle de pâte par de la colle forte de bonne gualité. Nous avons vu des ouvrages anglais brochés d'après ce système, qui ont supporté, pendant plusieurs mois, sans en être autrement détériorés, des fatigues excessives qui les auraient mis en pièces dès les premières heures, si leur brochage avait été exécuté comme à l'ordinaire. Dans certains pays, en Allemagne surtout, on a adopté, pour les ouvrages périodiques notamment, un mode de brochage excessivement simple, mais tout à fait défectueux. On ne coud pas les cahiers, on se contente de les assembler, de les battre, de les mettre dans une presse, d'en enduire le dos de colle forte et d'y appliquer la couverture sans gardes. Le livre se maintient bien tant qu'il n'est pas coupé, mais aussitôt qu'on coupe les feuilles, toutes celles de l'intérieur qui n'ont pas reçu de colle se détachent et ne tiennent plus à rien. Outre cet inconvénient pour un ouvrage usuel, on est obligé, quand on veut relier, d'enlever, à grande peine, cette colle sèche, au détriment des feuilles qui l'ont reçue et de la solidité de la reliure. |
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