Art de faire le papier

 
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Avertissement

1ère partie - Art de faire le papier

§. 8
Art de faire le papier


§. 9 - §. 27
Histoire & origines


§. 28 - §. 68
De la matière au lavoir


§. 69 - §. 199
Des moulins

  - Du moulin
  - Distribution de l'eau dans les moulins
  - De la qualité des eaux
  - Manufacture située en plaine
  - De la roue et des maillets
  - Des moulins à cylindre
  - De la platine
  - Moulins de Hollande
  - De l'éfilochage, et de l'affinage
  - De la graisse du papier
  - Comparaison des deux sortes de moulins
  - Autre forme de moulins, qui a été proposée
  - Observations sur la manufacture de Vougeot en Bourgogne (45)

§. 200 - §. 319
De la matière affinée au collage


§. 320 - §. 351
De l'étendoir au lissoir


§. 352 - §. 380
Tri & formation des rames


§. 381 - §. 385
Du papier coloré


§. 386 - §. 389
De l'influence des saisons


§. 390 - §. 435
Papiers de Hollande & différents pays


§. 436 - §. 511
Des réglements qu'on a fait en France


§. 512 - §. 555
Des différentes matières qui pourraient servir à faire du papier


§. 556 - §. 596
Papiers de Chine & du Japon


2ème partie - Planches & Explications des planches

 

 
Des moulins à cylindre

115. Après avoir décrit la forme des moulins à pilons usités en Auvergne, nous passons à celle des moulins à cylindres (35), qui s'emploient communément en Hollande ; on en trouve déjà des figures gravées dans deux recueils de machines publiés à Amsterdam en 1734 et en 1736.

Le premier, de cinquante-quatre planches, a pour titre, Groot volkomen moolenboek, etc., composé par Natrus, Polly et Vaurer, gravé par Jean Punt, en 2 vol in-fol. Le second, de cinquante-cinq planches, intitulé : Theatrum machinarum universale, est de Zyl, gravé par Jean Schenk, en 2 vol. in-folio. Mais comme ces planches ne sont accompagnées d'aucun détail sur l'usage des parties qu'elles représentent, il était nécessaire de les mettre ici sous les yeux des lecteurs, pour l'intelligence des procédés que nous avons à décrire. Au reste, comme ces moulins à cylindre sont ainsi exécutés depuis l'année 1741 à la manufacture de Langlée, près Montargis, avec quelques différences, nous avons également donné les plans et les élévations des machines qu'on y emploie, avec les procédés que nous y avons vu suivre, déjà confirmés par une expérience de vingt ans, après avoir été perfectionnés par plusieurs tentatives. L'invention des cylindres n'est pas ancienne ; mais nous ignorons le lieu et le tems où elle a été faite : quelques personnes assurent que l'usage des cylindres a été d'abord imaginé en France, il y a environ 50 ou 60 ans, adopté et retenu ensuite par les Hollandais (36), dans le plus grand nombre de leurs fabriques. Quoi qu'il en soit, ce n'est que vers l'année 1740 qu'on a commencé à les établir à Montargis.

116. Une grande roue à aubes, semblable à celle des moulins ordinaires, est mue par un courant d'eau, dans une coursière revêtue de charpente, et qui ne laisse que deux pouces de jeu à chaque côté de la roue. Cette roue a environ dix-huit pieds de diamètre ; sa circonférence porte vingt-quatre aubes inclinées vers le courant de l'eau ; cette grande roue est entre deux équipages de cylindres, et chaque roue porte à l'extrémité de son arbre un rouet de quarante-un alouchons, qui fait tourner une lanterne de trente-quatre fuseaux, dont le diamètre est d'environ six pieds, et dont l'axe est vertical ; cette lanterne porte sur son axe un rouet dont le diamètre est de onze pieds, qui a soixante-sept alouchons, et qui fait tourner trois cylindres, chacun par le moyen d'une lanterne à sept fuseaux, qui est à l'extrémité de l'axe du cylindre.

117. Chaque roue tourne dans sa coursière, par le moyen d'un courant d'eau, entre un équipage de trois cuves. La planche VIII renferme plus distinctement l'élévation et le plan d'un de ces équipages ; on a observé d'employer les mêmes lettres pour désigner les mêmes parties dans l'élévation et dans le plan, c'est-à-dire, au haut et au bas de la planche. A A (planche III) représente la partie de la coursière qui est ouverte au dedans de l'atelier du moulin ; CC, la roue à aubes qui est mue par le courant de l'eau ; DD, est l'arbre de la roue qui, passant sous un pont destiné au service du moulin, porte à chaque extrémité un rouet RR de huit pieds de diamètre, garni de quarante-un aluchons espacés de six pouces ; le rouet RR conduit une lanterne F, d'environ six pieds de diamètre, dont l'arbre est vertical, c'est-à-dire, perpendiculaire à l'horison, et qui porte trente-quatre fuseaux espacés de six pouces de milieu en milieu ; la lanterne F est mue au moyen de son axe GG, qui porte en même tems un grand rouet HH, de onze pieds de diamètre. Ce grand rouet porte soixante-sept alouchons, et passe sur les trois lanternes des cylindres I, chacune de sept fuseaux, dont les axes sont disposés horisontalement autour du rouet, qui doit les mettre en mouvement, et sont dirigés vers le centre de ce rouet, comme on le voit dans le plan.

118. Au moyen des nombres que nous avons rapportés, il est évident que les cylindres font un peu plus de onze tours et demi, pendant que la grande roue en fait un ; et comme la grande roue fait souvent douze tours par minute, les cylindres feront environ cent trente-huit tours par minute ; mais cette quantité peut augmenter ou diminuer de beaucoup. Chacun de ces cylindres tourne dans une cuve dont il occupe un côté P, l'autre côte Q de la cuve demeurant libre. On voit en K un cylindre à découvert et tournant dans sa cuve ; on voit en L ce même cylindre recouvert d'un chapiteau (§. 136) et en M une cuve dont on a enlevé le cylindre pour laisser voir les deux plans inclinés mm, et la partie du milieu M, dont une portion est arrondie en creux, et le reste occupé par la platine. Enfin l'on voit en n, les coulisses dans lesquelles se placent deux châssis, l'un de fil de laiton, l'autre de crin, pour empêcher la déperdition de matière que causerait le grand mouvement du cylindre. On concevra également dans la partie gauche d, où la figure paraît bridée, un semblable équipage de trois cuves avec leurs cylindres.

119. Les cuves à cylindres sont formées par des pièces de bois de chêne solidement assemblées ; elles sont revêtues de plomb dans tout leur intérieur, et tous leurs angles sont arrondis ; leur longueur intérieure est de dix pieds quatre pouces, leur largeur de cinq pieds, comme on le peut voir pl. III. Ces cuves sont divisées chacune dans le milieu par une cloison verticale d'une forte pièce de chêne NN, longue de sept pieds, et de trois pouces d'épaisseur, qui occupe toute la hauteur de la cuve, mais non pas toute sa longueur. La partie de la cuve qui est du côté de Q, est absolument libre ; la partie P est au contraire occupée par les plans inclinés, par la platine et le cylindre.

120. La planche IV contient la coupe verticale sur sa longueur de la partie d'une cuve dans laquelle roule le cylindre. A (fig. 1) est le plan incliné par lequel les chiffons arrivent au cylindre. C, est une partie concavée cylindriquement, que l'on réserve pour le cylindre et la platine. D, est un autre plan beaucoup plus incliné sur lequel les chiffons retombent après avoir été froisses en B, entre le cylindre et la platine (§. 129). EF (fig. 2) est la vue extérieure d'une cuve à cylindre, recouverte de son chapiteau G. On voit en H la trace du cylindre ; en I, les châssis qui passent au travers du chapiteau, et qui empêchent le chiffon de s'échapper par la gouttière qui reçoit les eaux exprimées du chiffon. L, est un tuyau de conduite qui fournit de l'eau dans la cuve pour laver le chiffon, comme on l'a vu (§. 111). Plus bas est une élévation de l'extérieur de la cuve, vue sur sa largeur. P (fig. 3) est une trape qui se lève pour faire couler la pâte dans un tuyau de plomb Q, et la conduire aux caisses de dépôt. Ce tuyau descend presque perpendiculairement, et rampe sous le pavé. R, est le cric qui était représenté en M dans la figure précédente, planche III.

121. Le total du cylindre, dont on voit la figure (planche IV, fig. 4) est composé d'un arbre de fer ST, qui a huit pieds de long, tout compris, et environ trois pouces de diamètre. D'un côté il porte une lanterne X, de sept fuseaux, dont on voit le plan en Y (fig. 5) ; de l'autre, une partie cylindrique, formée de bois de chêne. Les ouvriers prétendent qu'il est utile que ce bois ait bouilli dans des cuves de salpêtre, pour qu'il soit moins sujet aux variations que l'humidité peut lui causer.

122. Cette masse cylindrique a vingt-trois pouces de long VV (fig. 4) sur vingt-six pouces et demi de diamiètre uu ; elle est garnie sur sa longueur de vingt-huit barres de fer, chacune d'environ quinze lignes de largeur, éloignées par conséquent l'une de l'autre d'environ vingt lignes, ce qui donne au cylindre la forme d'une colonne cannelée. Ces barres de fer sont assemblées sur les deux bases du cylindre, par une platine de fer ZZ (fig. G), percée de vingt-huit trous, dans lesquels entrent les extrémités de chaque barre, arrondies pour cet effet et rivées fortement en-dehors. On y ajoute trois ou quatre chevilles de fer ébarbées, qui passent au travers de chaque barre et vont entrer profondément dans le bois, pour contenir mieux ces barres sur le massif du cylindre. Nous verrons (§. 151) la construction hollandaise, qui semble avoir plus de force que celle que nous venons de décrire. On ne saurait assurer trop bien cet assemblage des barres de fer sur les bases ZZ. La vitesse prodigieuse du cylindre produit un état terrible et très-dangereux lorsqu'une de ces barres vient à quitter ; et comme la force du bois toujours exposé à une sécheresse alternative, travaille sans cesse à produire celle séparation, elle arrive quelquefois. On en a vu des exemples.

123. On augmente encore la solidité de tout cet assemblage, en refoulant le bois par un grand nombre de coins de fer, chassés avec force dans la masse, du bois, après que le cylindre est monté. Pour arrondir les cylindres, on est obligé de les mettre, pour ainsi dire, sur le tour ; mais le poids énorme d'une pareille machine rend l'opération fort difficile. On essaya d'abord de les tourner en place, en les faisant mouvoir par la roue même qui agit dans le travail du papier ; on reconnut bientôt que la vitesse extrême du cylindre rendait l'opération et difficile, et dangereuse ; voici donc la manière dont ou s'y prend aujourd'hui. Lorsque le cylindre est énarbré, centré, et à peu près rond, on le place horisontalement, et l'on présente tout contre une regle bien droite fixée sur un établi ; on fait passer successivement chacune des barres du cylindre vis-à-vis de la règle. On voit alors s'il y en a quelques-unes qui ne soient pas parallèles à la règle, et l'on est à portée de les limer et de les réduire ainsi à une parfaite égalité.

124. Les barres de fer qui garnissent le cylindre, ont encore une cannelure sur leur longueur, au moyen de laquelle elles peuvent saisir mieux la matière dans laquelle nagent ces mêmes barres, la couper et la déchirer.

125. Un cylindre avec son arbre pèse environ trois milliers. On avait essayé de faire, des cylindres qui fussent creux dans l'intérieur, pour les rendre plus légers ; on a renoncé à celle méthode, et l'on aime mieux, pour leur donner plus de force, les conserver pleins et solides.

126. Si les cylindres étaient plus petits et plus légers, ils n'en recevraient que plus de vitesse ; l'opération en serait plus parfaite et plus prompte. On a fait des expériences avec des modèles qui n'avaient qu'un tiers du diamètre de ceux que nous avons décrits, et qui par conséquent pesaient vingt-sept fois moins, et elles réussissaient. Les cylindres de Hollande sont assez généralement plus petits que les nôtres.

127. On vient de faire aussi exécuter un cylindre de fer fondu et coulé, d'une seule pièce (37), dont on se sert à la nouvelle manufacture de Vougeot, près de Dijon ; il a été exécuté dans une forge de Franche-Comté. L'usage apprendra bientôt si cette méthode est préférable ; mais on doit espérer beaucoup de ce nouvel établissement, soutenu par la province de Bourgogne, dirigé par les lumières et les soins de M. de Beost, secrétaire en chef des états de cette province, et correspondant de l'Académie, qui connaît, qui encourage, et qui chérit tous les arts.

128. L'un des pivots du cylindre T (fig. 4) étant beaucoup plus chargé que l'autre, à cause de la proximité de la partie la plus massive, a besoin de beaucoup d'huile pour adoucir le frottement ; en conséquence on est obligé, de garnir cette partie d'une ou de deux rondelles de fer w, pour que l'huile ne puisse pas glisser le long de l'axe, et se mêler avec la pate, qui souffrirait beaucoup de ce mélange. On pourrait peut-être se passer d'huile, et adoucir beaucoup le frottement, en faisant tourner les pivots sur une forte semelle de plomb ou d'étain. Ces métaux sont d'une substance douce, moelleuse et, pour ainsi dire, graisseuse, qui tient lieu d'huile, et empêche même que le frottement n'excite de la chaleur (38).



(35) En Allemagne, cette machine a retenu le nom des Hollandais ; on l'appelle hollandische walze, ou simplement, ein hollander.
(36) Cette assertion enlève à la nation Hollandaise une découverte qui ne lui est pas contestée par les autres peuples. Il aurait donc fallu l'appuyer de quelques faits qui auraient servi de preuves ; ou si l'on n'avait pas pu les rassembler, il eût peut-être mieux valu la taire.
(37) Je ne sais quel a été le succès de cette tentative ; mais il paraît que le fer fondu ordinaire n'a pas assez de force.
(38) Il est fort douteux que cet expédient pût réussir. Il porte d'abord sur un faux principe ; c'est l'analogie du plomb ou de l'étain avec les substances graisseuses. Parce que ces métaux sont d'une substance douce et moelleuse, on ne peut pas en conclure qu'ils sont gras. Cette ductilité même le rend peu propre à soutenir un poids aussi considérable. Un poids de trois milliers pesant aurait usé en un seul jour une semelle de plomb ou d'étain. On n'en doutera pas, si l'on considère combien il faut peu de force pour les réduire en plaques.





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